Les marchés des produits de base sont sujets à des fluctuations de prix importantes, créant ainsi un besoin crucial pour les entreprises de se protéger contre ces risques. Partout dans le monde, des produits financiers dérivés sont utilisés pour couvrir ces risques. Cependant, au Maroc, les réglementations existantes imposent des restrictions significatives sur ces opérations de couverture. Cet article explore ces restrictions et en analyse la pertinence en se basant sur les perspectives économiques et réglementaires.
Caractère Restrictif de la Réglementation Actuelle
La réglementation marocaine actuelle, spécifiée dans l’Instruction Générale des Opérations de Change (IGOC-24), impose des limites strictes sur les transactions impliquant des produits financiers dérivés. Ces mesures restrictives concernent particulièrement les opérations de vente de produits dérivés par des résidents à des non-résidents, ainsi que les achats de ces produits auprès des non-résidents. Alors que ces restrictions visent à protéger l’économie locale et à réguler les flux de devises, elles sont perçues comme un obstacle majeur pour les entreprises cherchant à se prémunir contre les fluctuations des prix des produits de base. En conséquence, ces entreprises sont souvent contraintes de fonctionner avec un risque financier accru.
Cette politique de réglementation stricte trouve son origine dans une volonté de limiter les sorties de devises et de maintenir un contrôle strict sur les flux financiers internationaux. Cependant, ces mesures peuvent aussi conduire à une inefficacité économique en créant des obstacles pour les entreprises locales qui tentent de se protéger contre les fluctuations des prix des matières premières. En effet, alors que les entreprises d’autres régions du monde bénéficient de plus de flexibilité pour utiliser des produits dérivés à des fins de couverture, les entreprises marocaines sont soumises à des contraintes supplémentaires, les rendant moins compétitives.
Réglementation Prudentielle vs. Réglementation des Changes
Un point de débat central est de savoir si les opérations de couverture doivent être régies par la réglementation des changes ou par la réglementation prudentielle de Bank Al Maghrib. Actuellement, bon nombre de ces opérations tombent sous la réglementation des changes, ce qui impose des restrictions strictes et des exigences documentaires approfondies. Ce cadre réglementaire peut être justifié par le besoin de contrôler les flux de devises étrangères et d’assurer la stabilité financière. Toutefois, certains experts, y compris Omar Bakkou, soutiennent que les banques disposent déjà des compétences nécessaires pour gérer les risques financiers de manière prudente et devraient être régulées en conséquence. Une telle révision permettrait une plus grande flexibilité et un meilleur alignement avec les pratiques internationales.
La réglementation prudentielle, qui est principalement axée sur la gestion des risques et la stabilité financière des établissements de crédit, pourrait offrir une alternative plus souple et plus adaptée aux besoins des entreprises locales. En permettant aux banques d’utiliser leur expertise et leurs ressources pour gérer les risques de manière plus autonome, cela pourrait renforcer leur rôle dans l’économie et améliorer globalement la résilience du système financier marocain. En adoptant une approche plus libérale sous la supervision de Bank Al Maghrib, le Maroc pourrait ainsi s’aligner sur les meilleures pratiques internationales tout en maintenant un contrôle efficace sur les risques systémiques.
Le Principe de l’Adossement
Le principe de l’adossement est un fondement clé de la réglementation des changes au Maroc. Selon ce principe, toutes les opérations de change doivent être liées à des transactions économiques réelles, telles que l’importation ou l’exportation de biens et de services. Ce principe d’adossement vise à prévenir les spéculations excessives et à assurer que toutes les transactions de change servent un but économique légitime. Cependant, dans le contexte des couvertures financières, cela peut devenir une contrainte, car les entreprises doivent fournir une documentation exhaustive pour chaque opération, rendant le processus lourd et complexe.
En effet, ce principe ralentit souvent les opérations de couverture, car les entreprises doivent justifier chaque transaction avec des preuves documentaires détaillées. Cela nécessite non seulement plus de temps, mais aussi des ressources administratives substantielles, ce qui peut décourager certaines entreprises de se lancer dans des opérations de couverture, les obligeant à supporter des risques de marché significatifs. Par conséquent, pour bon nombre d’acteurs économiques, cette règle d’adossement se révèle inadaptée aux dynamiques commerciales modernes où la rapidité d’exécution est cruciale pour rester compétitif.
L’Effectivité des Opérations
La réglementation marocaine exige des preuves documentaires pour garantir l’effectivité des opérations de change. Pour les biens importés, cette effectivité est souvent vérifiée par l’Administration des Douanes. Dans le cas des services rendus, l’effectivité est généralement présumée, bien que des vérifications ultérieures puissent avoir lieu. Cette exigence de documentation rigoureuse peut retarder les processus de couverture et compliquer la gestion des risques pour les entreprises. De plus, la distinction entre effectivité réelle et présumée ajoute une couche supplémentaire de complexité, nécessitant une refonte pour simplifier et accélérer les procédures sans compromettre les contrôles nécessaires.
Les entreprises marocaines doivent fréquemment jongler avec des demandes de preuves et des formulaires administratifs multiples pour se conformer aux exigences réglementaires, ce qui ajoute une charge opérationnelle. Cette situation freine non seulement l’efficience des entreprises dans la mise en place de couvertures, mais affecte aussi leur flexibilité pour réagir promptement aux conditions fluctuantes du marché. Des améliorations pourraient être envisagées, comme une simplification des procédures ou un recours accru aux technologies numériques pour mieux harmoniser la conformité avec une gestion efficace des échéances financières.
Révision Nécessaire de la Réglementation
Omar Bakkou plaide pour une révision en profondeur de la réglementation actuelle, spécifiquement la suppression des limites imposées par l’IGOC-24. Actuellement, les exportateurs ne peuvent couvrir que jusqu’à la moyenne des chiffres d’affaires des trois derniers exercices, tandis que les importateurs ont une limite de 25 % de cette moyenne. Ces restrictions sont jugées économiquement inappropriées, empêchant les entreprises de se protéger efficacement contre les fluctuations de marché. Une libéralisation de ces règles permettrait aux entreprises d’ajuster leurs couvertures financières de manière proactive et en ligne avec les réalités du marché.
Une réforme de ces dispositions permettra de libérer le potentiel des entreprises marocaines et de leur donner une marge de manœuvre suffisante pour adopter des stratégies de couverture plus sophistiquées. En supprimant ou en ajustant ces plafonds, le cadre réglementaire deviendrait plus en phase avec les besoins actuels des marchés. Cela pourrait engendrer une approche plus dynamique et résiliente dans la gestion des risques. En outre, des entreprises mieux protégées contre les fluctuations de prix seraient plus attractives pour les investisseurs étrangers, stimulant ainsi l’économie nationale.
Une Approche Plus Libérale pour les Banques
Les banques marocaines possèdent les compétences et les ressources nécessaires pour gérer les produits financiers dérivés de manière prudente. Par conséquent, elles devraient opérer sous un cadre réglementaire plus libéral, supervisé par la réglementation prudentielle de Bank Al Maghrib plutôt que par la réglementation des changes. Permettre aux banques une plus grande flexibilité en matière de produits financiers dérivés peut non seulement améliorer leur capacité à couvrir les risques, mais aussi renforcer leur compétitivité sur les marchés internationaux. Cela pourrait également attirer plus d’investissements étrangers, favorisant ainsi la croissance économique nationale.
Un cadre plus libéral et souple permettrait aux banques non seulement de proposer des solutions de couverture plus adaptées aux besoins des entreprises locales, mais aussi d’innover et de développer de nouveaux produits financiers. Cette liberté accrue pourrait renforcer la stabilité du secteur bancaire en lui permettant de s’adapter rapidement aux conditions économiques changeantes. En permettant aux établissements financiers d’exercer pleinement leur expertise, le Maroc pourrait devenir une place financière plus attractive et compétitive, tant au niveau régional qu’international.
Proposition de Cadre Réglementaire « Smart »
Pour les entités non-bancaires, Omar Bakkou propose un cadre « smart » de réglementation où elles pourraient souscrire à des produits financiers dérivés visant la couverture contre les risques de fluctuations de prix en présentant des documents internes attestant d’une « effectivité présumée. » Cette approche viserait à simplifier les démarches administratives tout en garantissant un contrôle postérieur par les autorités compétentes. En adoptant un tel modèle, le Maroc pourrait non seulement faciliter les opérations de couverture mais aussi garantir un suivi adéquat et rigoureux, équilibrant ainsi sécurité et efficacité économique.
La mise en œuvre de ce cadre « smart » permettrait de réduire la bureaucratie excessive tout en maintenant des niveaux de conformité rigoureux nécessaires pour prévenir les abus potentiels. Cela offrirait aux entreprises la possibilité de mettre en place des stratégies de couverture plus rapidement et avec moins de frictions administratives. En fin de compte, cette révision réglementaire pourrait dynamiser le secteur financier marocain, rendant les entreprises locales plus compétitives au niveau mondial et renforçant la stabilité financière tout en soutenant une croissance économique durable.
Conclusion et Résultats Principaux de l’Analyse
Les marchés des matières premières sont caractérisés par des fluctuations de prix considérables, créant une nécessité pour les entreprises de se prémunir contre ces risques. À travers le globe, les produits financiers dérivés sont couramment employés pour gérer ces risques. Cependant, au Maroc, la réglementation en vigueur impose des restrictions sévères sur l’utilisation de ces instruments de couverture. Cette analyse aborde ces restrictions réglementaires et en évalue la pertinence en se basant sur les perspectives économiques et les implications pour les entreprises opérant dans ce secteur.
Les fluctuations des prix des matières premières peuvent avoir des effets dévastateurs sur les bilans des entreprises, notamment celles qui dépendent fortement de ces ressources. Les instruments dérivés, tels que les contrats à terme et les options, permettent aux entreprises de sécuriser leurs opérations et de garantir une certaine stabilité financière. Or, au Maroc, les contraintes réglementaires limitent l’accès à ces outils, ce qui peut exposer les entreprises à des risques financiers plus élevés.
En outre, l’article examine les raisons derrière ces restrictions. Sont-elles justifiées par une volonté de protéger le marché local contre la spéculation excessive, ou freinent-elles plutôt l’innovation économique et financière ? Une évaluation rigoureuse de la situation permettrait de mieux comprendre les défis et opportunités liés à l’usage des produits dérivés au Maroc.