Face aux défis climatiques et alimentaires qui s’intensifient dans la région du Grand Rift africain, une initiative collaborative d’envergure a vu le jour pour redéfinir les paradigmes agricoles et poser les bases d’un avenir plus résilient. Officialisée à Nairobi, cette nouvelle alliance stratégique, baptisée « TRACE » (« Transforming Agriculture for Animal, Crop and Ecosystem Health in the East African Rift » ), incarne une ambition majeure : refonder les systèmes agricoles en Afrique de l’Est. Ce dispositif de recherche et de formation en partenariat a pour vocation de promouvoir des transitions agroécologiques profondes et durables. Il ne s’agit pas seulement d’un projet de recherche supplémentaire, mais d’une plateforme conçue pour reconnecter la science fondamentale avec les réalités et les besoins concrets des écosystèmes et des communautés locales. En fédérant des expertises régionales et internationales, TRACE cherche à construire des solutions ancrées dans les territoires, capables de concilier productivité, préservation de la biodiversité et bien-être socio-économique.
Une Vision Intégrée pour une Agriculture Durable
Au cœur de la philosophie de TRACE réside la conviction que l’agroécologie constitue le levier fondamental pour relever le triple défi auquel la région est confrontée : assurer une production agricole suffisante pour des populations croissantes, garantir la santé et la résilience des écosystèmes naturels, et améliorer durablement les conditions de vie des communautés rurales. Cette approche est envisagée comme la clé d’une transformation profonde des systèmes alimentaires. L’initiative vise à dépasser les modèles conventionnels en promouvant des pratiques qui renforcent les synergies naturelles, améliorent la fertilité des sols et réduisent la dépendance aux intrants chimiques. En plaçant l’agroécosystème au centre de la réflexion, TRACE ambitionne de développer des modèles agricoles qui soient non seulement productifs mais aussi écologiquement viables et socialement équitables, offrant ainsi une réponse structurée aux impératifs de sécurité alimentaire et d’adaptation au changement climatique dans le Grand Rift.
L’un des aspects les plus novateurs de cette initiative est son adoption d’une approche résolument holistique, symbolisée par la volonté de créer un lien étroit entre l’agroécologie et le concept de « Une Seule Santé » (One Health). TRACE s’attache activement à briser les silos disciplinaires traditionnels en connectant la recherche sur la santé des sols, la vigueur des plantes, le bien-être des animaux et la santé des communautés humaines. Cette vision systémique est au cœur de l’ambition scientifique du dispositif, qui reconnaît que ces différentes composantes sont intrinsèquement liées et interdépendantes. En étudiant ces interactions complexes, les chercheurs visent à promouvoir la santé globale des socio-écosystèmes. Cette perspective intégrée permet d’aborder les problématiques agricoles non plus de manière isolée, mais comme des éléments d’un système dynamique où chaque intervention peut avoir des répercussions multiples, positives ou négatives, sur l’ensemble de la chaîne.
La Force d’un Réseau Régional et International
Le lancement de TRACE a été formalisé lors d’un atelier fondateur qui s’est tenu sur trois jours, du 12 au 14 novembre, à Nairobi. Cet événement, co-organisé par le Cirad, l’IRD et l’icipe, a réuni une vingtaine de chercheurs de toute la région et a permis de définir collectivement les premières trajectoires d’impact du réseau. Une cérémonie officielle, organisée le 13 novembre à l’Ambassade de France, a conféré une légitimité politique et institutionnelle de premier plan à cette initiative. La présence de hauts représentants kenyans et de personnalités diplomatiques, comme l’Ambassadeur de France, Monsieur Arnaud Suquet, a souligné la vision partagée que TRACE arrive à un « moment décisif » pour repenser les modèles de développement. La couverture médiatique qui a suivi, notamment dans la presse locale, a salué ce partenariat comme un moyen de renforcer durablement la recherche agroécologique en Afrique de l’Est, confirmant ainsi sa portée et sa pertinence régionales.
La solidité de l’initiative TRACE repose sur un noyau fédérateur d’institutions de recherche et d’enseignement supérieur de premier plan, issues de quatre pays fondateurs. Pour l’Éthiopie, l’Ethiopian Institute of Agricultural Research (EIAR) et l’Addis Ababa University (AAU) apportent leur expertise. Le Kenya est représenté par la Kenya Agricultural and Livestock Research Organization (KALRO) et l’University of Nairobi (UoN). La Tanzanie participe avec le Tanzania Agricultural Research Institute (TARI) et la Sokoine University of Agriculture (SUA), tandis que l’Ouganda engage la National Agricultural Research Organization (NARO) et la Makerere University. À ce consortium régional robuste s’ajoutent des partenaires internationaux de renom tels que l’icipe, le CIFOR-ICRAF, le Cirad et l’IRD. Cette collaboration unique crée une synergie puissante entre les connaissances locales approfondies et une expertise scientifique mondiale, jetant les bases d’une recherche d’excellence au service des territoires du Rift.
Les Fondations d’une Transformation Durable
Le lancement de TRACE a ainsi marqué bien plus que la création d’un simple réseau de recherche ; il a posé les fondations d’une plateforme d’expérimentation collective et d’un carrefour où les disciplines, les savoirs académiques et les pratiques de terrain pouvaient enfin se croiser de manière constructive. Ce dispositif s’est défini dès le départ comme un « réseau vivant » , conçu pour évoluer avec les dynamiques émergentes et s’adapter aux opportunités régionales, plutôt que de suivre un plan rigide. Son caractère évolutif et sa gouvernance participative lui ont permis de garantir la pertinence de ses actions en les ancrant dans les réalités locales. L’intérêt rapidement manifesté par d’autres pays de la région et par des acteurs non académiques a confirmé le potentiel de cette initiative, qui a promis d’élargir son champ d’action et son impact pour catalyser une transformation profonde et pérenne des territoires du Grand Rift africain.
