L’arrivée spectaculaire du géant de la fast-fashion Shein au cœur de Paris, avec l’ouverture de sa première boutique physique mondiale, a soulevé une vague de controverses allant bien au-delà des prix dérisoires de ses articles. Entre les accusations sur les conditions de travail, la qualité des produits et la collecte de données, une question fondamentale restait en suspens. Au-delà des débats sociétaux, quel est l’impact carbone réel d’un achat Shein, de ce simple clic qui déclenche une chaîne logistique mondiale jusqu’à la livraison finale ? Un petit plaisir anodin en apparence cache une empreinte environnementale dont l’ampleur dépend entièrement des choix effectués par la marque et le consommateur.
Le Contexte Une Empreinte Scrutée à la Loupe
Pour répondre à cette question, le spécialiste français de l’empreinte carbone, Greenly, a mené une analyse détaillée du modèle Shein. Il est essentiel de préciser que cette étude s’est concentrée exclusivement sur l’acheminement des colis, depuis les entrepôts chinois jusqu’au domicile du client ou au magasin parisien. L’impact de la fabrication des vêtements, pourtant considérable, a été volontairement exclu du périmètre de l’analyse. Cette mise en perspective est cruciale, car elle souligne que les chiffres présentés ne représentent qu’une fraction du coût environnemental total d’un article de fast-fashion.
Le paradoxe d’un pure player du commerce en ligne s’installant physiquement en plein centre d’une capitale européenne ajoute une nouvelle complexité au calcul. Cette stratégie soulève des interrogations sur l’évolution de son modèle logistique et sur la manière dont les émissions de gaz à effet de serre sont réparties entre les différentes étapes de la chaîne d’approvisionnement. L’étude met en lumière comment ce géant de l’ultra-rapide tente de concilier une demande massive avec des contraintes logistiques et environnementales croissantes.
Du Clic à la Livraison La Logistique de la Fast Fashion
L’analyse de Greenly révèle un facteur déterminant : le mode de transport. Selon que le colis voyage par les airs ou par la mer, son empreinte carbone peut être multipliée par plus de douze. Pour un colis standard de deux kilogrammes contenant environ huit articles, les émissions de dioxyde de carbone peuvent varier de 1,01 kg à un impressionnant 12,96 kg d’équivalent CO2 (kgCO2e). Cette variabilité place une part significative de la responsabilité environnementale dans le processus de commande.
Le scénario le plus préjudiciable pour le climat est sans conteste la livraison express par avion. Dans ce cas, le colis quitte un entrepôt chinois en camion, parcourt près de 9 500 kilomètres par les airs jusqu’à Paris, puis termine son trajet par la route. Ce mode d’acheminement, privilégié pour sa rapidité, génère jusqu’à 12,96 kgCO2e. En revanche, l’alternative la plus vertueuse consiste en une expédition par bateau vers l’un des entrepôts européens de la marque, situés en Espagne ou en Belgique. Après un long périple maritime, le colis est acheminé par camion jusqu’à sa destination finale, réduisant son impact à seulement 1,01 kgCO2e, emballage et retours inclus.
L’alternative Physique Une Fausse Bonne Idée
On pourrait penser que se rendre directement en boutique pour effectuer un achat est une solution plus écologique. Cependant, l’étude démontre que cette intuition est souvent erronée. Bien que la marchandise vendue en magasin arrive par la voie maritime, plus respectueuse de l’environnement, l’empreinte carbone globale doit intégrer de nouveaux facteurs. Le chauffage, l’éclairage et la logistique du point de vente physique ajoutent une couche d’émissions non négligeable.
Le facteur le plus variable et souvent le plus lourd reste le déplacement du client. Un trajet effectué en métro pour se rendre à la boutique ajoute environ 2,11 kgCO2e au bilan de l’achat. Ce chiffre grimpe de manière spectaculaire à 4,84 kgCO2e si le client choisit de s’y rendre en voiture. Ainsi, un achat en magasin peut s’avérer plus de quatre fois plus polluant qu’une livraison à domicile optimisée, illustrant l’importance cruciale des comportements individuels dans l’empreinte carbone du commerce de détail.
Un Impact Individuel aux Conséquences Collectives
Le constat de l’analyse est sans appel : pour un même produit, le comportement du consommateur peut faire passer l’empreinte carbone du simple au quadruple. Si la différence peut sembler minime à l’échelle d’une seule commande, elle prend une tout autre dimension lorsqu’elle est rapportée au volume global des ventes. Chaque année, ce sont environ 29 millions de colis Shein qui sont commandés par les consommateurs en France.
La mise à l’échelle de ces chiffres individuels révèle un problème collectif majeur. Si l’ensemble de ces 29 millions de colis étaient acheminés par la voie aérienne, la plus émissive, ils généreraient une pollution équivalente aux émissions annuelles totales d’environ 64 000 citoyens français. Cette comparaison frappante met en évidence comment une multitude de petites décisions individuelles, guidées par la recherche de rapidité, peut engendrer des conséquences environnementales massives.
Comment Agir pour un Shopping Plus Conscient
Face à ce constat, plusieurs stratégies permettent de réduire significativement l’impact de ses achats. Lors d’une commande en ligne, il est recommandé de regrouper plusieurs articles en une seule fois afin de répartir l’empreinte carbone du transport et d’optimiser le remplissage des véhicules. Il est également primordial d’éviter systématiquement l’option de livraison express, qui est presque toujours synonyme de fret aérien, bien plus polluant.
Pour les visites en magasin, privilégier les transports en commun ou la mobilité douce, comme le vélo ou la marche, est la pratique la plus efficace pour limiter son impact personnel. Penser à apporter son propre sac réutilisable est un geste simple mais complémentaire. L’analyse a finalement montré que l’action la plus fondamentale restait de remettre en question l’attrait même de la fast-fashion. Elle a souligné que privilégier des achats utiles et durables, des vêtements conçus pour être portés longtemps, constituait la démarche la plus significative pour alléger son empreinte environnementale.
