Dans une décision qui redessine le paysage des télécommunications en Guinée, l’État a officialisé par décret présidentiel la nationalisation complète de l’opérateur Areeba, marquant ainsi la conclusion d’un processus de désengagement progressif du géant sud-africain MTN. Cette prise de contrôle n’est pas un acte isolé, mais l’aboutissement d’une longue série de désaccords réglementaires et de sanctions financières qui ont érodé la présence de MTN sur le marché guinéen au fil des ans. Le tournant décisif remonte à 2017, lorsque MTN Guinée, sous la pression, a dû se rebaptiser Areeba, signalant déjà une prise de distance et le début d’un transfert de pouvoir. L’État guinéen, en reprenant l’intégralité des parts, ne se contente pas de combler un vide laissé par un acteur international ; il affirme une volonté claire de reprendre en main un secteur jugé vital pour le développement économique et la sécurité nationale. Cette manœuvre stratégique transforme un opérateur privé en un instrument au service des ambitions publiques, avec toutes les opportunités et les défis que cela implique pour l’avenir de la connectivité dans le pays.
Un Nouveau Statut pour de Nouveaux Défis
Avec cette nationalisation, Areeba Guinée se métamorphose en une société anonyme à capitaux entièrement publics, un statut hybride qui cherche à marier le meilleur de deux mondes. D’un côté, la tutelle étatique garantit que les objectifs de l’opérateur s’aligneront sur les priorités nationales, telles que l’extension de la couverture réseau dans les zones rurales ou la démocratisation de l’accès à internet. De l’autre, la structure de société anonyme, pilotée par un conseil d’administration, est censée préserver une autonomie de gestion commerciale et une flexibilité opérationnelle indispensables pour rivaliser sur un marché concurrentiel. Cependant, cette nouvelle configuration soulève une question cruciale concernant l’avenir du secteur public des télécoms, et plus particulièrement le sort du projet Guinée Telecom. Destiné à succéder à la défunte SOTELGUI, l’opérateur historique, Guinée Telecom a accumulé les retards et peine à se concrétiser. La perspective de voir coexister deux entités publiques en concurrence directe semble économiquement irrationnelle et contre-productive, ce qui amène la plupart des observateurs à considérer qu’une fusion entre Areeba et Guinée Telecom est la seule voie logique pour créer un champion national viable et efficace.
Vers une Souveraineté Numérique Accrue
La reprise en main d’Areeba par l’État guinéen s’est inscrite dans une tendance continentale plus vaste, où la quête de souveraineté numérique est devenue un enjeu majeur pour de nombreux gouvernements africains. En s’inspirant de modèles réussis, comme celui du Bénin qui a consolidé son secteur avec les opérateurs SBIN et Celtiis, la Guinée a cherché à se doter d’un levier stratégique pour piloter sa transformation digitale. L’objectif dépassait la simple gestion d’un opérateur téléphonique ; il s’agissait de bâtir un pilier national capable de rivaliser avec les puissantes filiales de groupes internationaux, de renforcer la régulation d’un marché parfois opaque et de s’assurer que les revenus générés par ce secteur lucratif profitent directement à l’économie nationale. Cette nationalisation a donc été perçue non pas comme une fin en soi, mais comme un moyen pour la Guinée de consolider son autonomie stratégique. En contrôlant une infrastructure de communication essentielle, le gouvernement s’est donné les moyens d’améliorer la connectivité pour ses citoyens et de peser davantage dans le nouvel ordre numérique mondial.
